Livres
Au commencement était Wagner…
«Il est élégant. Energique. On a touché le gros lot…» Le premier volume de la collection Actes Sud/Opéra national de Bordeaux confirme ce jugement de mélomane entendu après un concert Sibelius du nouveau directeur musical de la phalange bordelaise. Dans Wagner, le chef britannique qu’on n’attendait pas dans ce répertoire excelle. Son goût très sûr s’illustre particulièrement dans un prélude de Tristan qui pourrait en surclasser plus d’un dans une écoute comparée à l’aveugle. Les bois et les cuivres de l’ONBA y déploient un contrechant soyeux comme les tannins d’un grand Médoc. Régal encore avec les interventions d’Heidi Melton. La soprano américaine se coule dans la peau des héroïnes de Tannhäuser, du Crépuscule des dieux et d’Isolde avec un naturel épatant, et roule les «r» avec une gourmandise qui fait plaisir à entendre. Ce disque-livre ou ce livre-disque a pour ambition de lancer une nouvelle collection autour des grandes œuvres du répertoire, scellant une collaboration entre la maison d’édition et la formation bordelaise. Seule ombre au tableau, une prise de son un peu mate qui ne rend pas pleinement justice à l’acoustique de l’auditorium. Comme son nom l’indique, la collection ONBA Live est enregistrée en direct, conférant à ces pages l’urgence qui sied à l’opéra wagnérien.
Wagner, collection ONBA Live, Actes Sud/Opéra national de Bordeaux, 64 pages, 1h18 min de musique, 25 €
Positive latitude
Jancis Robinson, Michel Bettane, Stephane Derenoncourt, Alain Dutournier, Pierre Lurton, Michel Serres… tels sont quelques-uns des grands témoins réunis autour du 45e parallèle, «latitude idéale des grands vins du monde». Ce «ruban magique» est au centre de ce livre imaginé par Olivier Bernard, patron du célèbre domaine de Chevalier en Pessac Léognan, et Thierry Dussard, journaliste à Capital. Pour Olivier Bernard, le 45e parallèle est «un entre-deux tempéré porteur d’une vocation viticole unique […] et aussi une ligne de démarcation qui sépare le domaine d’élection des vins blancs, au nord, de celui des vins rouges, au sud…». Ainsi commence une leçon de géographie humaniste, préfacée par Jean-Paul Kauffmann, confirmant également la place de la non moins célèbre maison bordelaise parmi les éditeurs qui comptent dans le monde du vin.
La Magie du 45e parallèle, Olivier Bernard et Thierry Dussard, éd. Feret, 160 pages, 19,50 €
L’Aquitaine, chaud devant !
Hervé Le Treut est climatologue, membre de l’Académie des sciences et expert auprès du GIEC, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, dont les rapports nous rappellent régulièrement que «la maison brûle» comme disait un certain Jacques Chirac. Cet ouvrage qui fait un zoom sur l’impact du changement climatique en Aquitaine est la synthèse des travaux de quelque 150 chercheurs. «Un parti pris de notre travail a été de ne rien inventer» est-il notamment rappelé en introduction avant que le lecteur ne découvre au fil des pages que «l’Aquitaine est une des régions de France où le réchauffement risque d’être le plus fort». Particulièrement sensible au relèvement moyen du niveau de la mer, elle sera confrontée à «un relèvement de quelques dizaines de centimètres anticipé pour la fin de ce siècle». Enjeux littoraux, forêts, estuaire, agriculture, risques sanitaires, tout est passé au crible sans conclusion hâtive, si ce n’est une foi dans le progrès scientifique et la raison pour permettre aux Aquitains de s’adapter à ce nouveau climat. Ce n’est peut-être pas le livre idéal pour la plage (quoique…) mais une somme à laquelle se référer pour éviter de faire de la climatologie… de comptoir.
Les impacts du changement climatique en Aquitaine, ouvrage sous la direction d’Hervé Le Treut, éd. Presses Universitaires de Bordeaux, 368 pages, 25 €
Le Médoc sous le Second Empire
Les éditions Féret, qui excellent, outre le fameux Bordeaux et ses vins, dans les ouvrages techniques, économiques et culturels sur le monde du vin, sont moins attendues dans le secteur du roman. En voici pourtant un sous la plume de Bruno Albert, juriste et fonctionnaire de son état, mais surtout conférencier et écrivain, auteur d’un premier roman historique «Un souper en Médoc». L’auteur, qui n’aime rien tant que raconter des histoires, récidive avec «Le Conclave de Bordeaux» (aucun rapport avec l’élection d’un pape). On y retrouve les personnages du premier volume dans le décor naturel de la presqu’île du Médoc, de ses châteaux, de Bordeaux, de sa préfecture, de sa chambre de commerce et de sa bourgeoisie locale à l’époque du Second Empire. Le récit est expert, le ton parfois un peu… too much. Sans doute pour que l’immersion soit totale dans cette période prospère de l’histoire de France et de Bordeaux.
Le Conclave de Bordeaux, Bruno Albert, éd. Feret, 210 pages, 14,50 €